Filière de la mangue 2024 : une saison catastrophique

La saison 2024 de la filière mangue sénégalaise reste dans les mémoires comme une période critique, marquée par une chute historique des exportations. Malgré une récolte prometteuse, le secteur a subi un coup dur, entre nouvelles taxes, mauvaise organisation de la filière et absence de soutien pour écouler les surplus.

Publié le 3 novembre 2024   1 commentaire

Des taxes antiparasitaires qui étranglent la filière

L’annonce de nouvelles taxes pour lutter contre les mouches blanches, faite à seulement un mois de l’ouverture de la saison d’exportation, a provoqué la colère et l’indignation des producteurs et exportateurs. Ces taxes, fixées à 15 FCFA par kilo, sont censées être réinvesties dans la lutte contre ce ravageur, mais elles semblent avoir créé une charge financière ingérable pour la filière.

Selon Aminata Diouf, directrice du domaine agricole de Néma, le taxe entraîne un coût pouvant dépasser 360 000 FCFA par conteneur, ce qui, pour beaucoup, rend l’exportation tout simplement intenable. Pire encore, les camions exportant par voie terrestre, sans communication au préalable, doivent s’acquitter d’une taxe de 5 000 FCFA par camion, alourdissant davantage les frais d’exportation. Plus de 300 camions ont ainsi franchi les frontières sénégalaises, mais sous des contraintes financières qui dissuadent de nombreux producteurs de continuer.

Ces charges ont mené à une diminution massive de l’exportation, passant de 24 000 tonnes il y a deux ans à moins de 12 000 tonnes cette année. Face à cette situation, de nombreux producteurs sont tournés vers le marché local pour éviter les pertes. « La campagne de 2024 a été une catastrophe », nous confirme Aminata Diouf avant de poursuivre « Le produit était là, mais il n’a pas pu sortir. La demande nationale ne peut pas absorber toute la production. »

Exportations de mangue du Sénégal (en tonnes) Source : ANSD/DSECN

Pays

2019

2020

2021

2022

2023

Pays Bas 5955 3979 7797 4728 3958
France 3779 5621 5033 3617 5436
Ghana 1784 2243 4575 2219 2393
Espagne 1508 1285 2402 1288 1197
Royaume Uni 902 1123 2218 1151 948
Maroc 513 24 1431 1895 2198
Autres 1695 3023 4089 3004 1556
Total 16138 17300 27547 17903 17690

Un manque d’organisation qui fragilise la filière

Outre les problèmes de fiscalité, le manque de structuration entre producteurs et exportateurs pose également des défis majeurs. Au Sénégal, le marché de la consommation de mangue connaît une croissance rapide, mais cette demande accumulée ne se traduit pas par une régulation efficace de la filière. La concurrence féroce entre les acteurs a même mené des « guerres des prix », accentuées par l’absence de solidarité. « Les prix peuvent être fixés en collaboration avec les autorités étatiques, mais sur le terrain, c’est chacun pour soi », ajoute la directrice.

De plus, de nombreux responsables de la filière ne sont pas des producteurs eux-mêmes, mais des intermédiaires, souvent sans expérience dans le domaine agricole. La filière est gérée par des personnes qui ne sont pas producteurs ou encore moins détenteurs de terres. Cette situation crée des tensions entre ceux qui cultivent réellement la mangue et ceux qui contrôlent son exportation, compliquant encore davantage la régulation des prix et des flux de mangues destinés à l’étranger.

Mangue« Kent »

Un système de distribution local non avantageux pour les producteurs

Pour les producteurs qui cherchent à vendre localement, le système de distribution reste chaotique et peu lucratif. Délices de Nema, un acteur local, se voit contraint de vendre directement aux particuliers sans réseau de distribution structuré. « C’est nous qui devons chercher nos propres clients », explique Aminata Diouf avant d’ajouter « Les distributeurs ne sont pas intéressants, car les prix qu’ils proposent ne couvrent même pas nos coûts. »

Cette dépendance au réseau personnel pour écouler la production montre à quel point le marché local de la mangue manque de structuration. La filière mangue s’est retrouvée face à une surproduction difficile à écouler, obligeant de nombreux producteurs à sacrifier une part importante de leur récolte. Les circuits de distribution locaux demeurent trop rudimentaires pour absorber le surplus de production destiné à l’export, qui n’a pu être acheminé cette année.

Un manque de compétitivité à l’international

La filière mangue sénégalaise peine également à s’imposer sur les marchés internationaux en raison de son manque de diversité variétale. Contrairement à des pays comme le Burkina Faso, le Sénégal n’exporte majoritairement qu’une seule variété, la mangue « Kent ». Si cette variété est appréciée pour sa qualité, elle limite toutefois la capacité du pays à répondre aux exigences variées des acheteurs internationaux qui recherchent aussi des variétés alternatives et attractives pour diversifier leur offre.

Aminata Diouf explique que ce manque de variété est un obstacle majeur : « Les produits sénégalais de bonne qualité, mais… la mangue burkinabé est moins chère puisqu’il y a plus de manguiers au Burkina »

Le manque de diversité variétale du Sénégal réduit ainsi son attrait pour les grands acheteurs, qui préfèrent se tourner vers des pays offrant une plus grande flexibilité et une production plus abondante.

Un rayon d’espoir : l’essor du marché de la transformation

Si la saison 2024 a été marquée par une crise de l’exportation, la transformation de la mangue représente une lueur d’espoir pour la filière. En effet, la demande pour les produits transformés, comme les mangues séchées de Afric nature, les jus ou les purées de mangues, a nettement augmenté. Les acteurs plaident ainsi pour la création d’unités de transformation afin de valoriser la production locale et répondre à cette demande en pleine expansion.

La filière mangue, un des piliers de l’agriculture sénégalaise, est aujourd’hui à la croisée des chemins. L’année 2024 aura révélé les faiblesses structurelles et organisationnelles du secteur, mais laisse entrevoir une opportunité de changement. Pour les acteurs comme Aminata Diouf, il est plus qu’urgent de repenser la chaîne de valeur et de créer une industrie capable de résister aux défis mondiaux.

Produits transformés de Afric Nature

Cheikh Ndiaye

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Lire 1 commentaire

  • sn

    Oui le Sénégal presque la moitié de la production de mangue est destinée al a la vente locale et les 2/3 locale pourrie alors nous avons noter a cause d’une manque d’organisation manque de moyen installer des centre de transformation donc tout ce qui n’est pas destinée al l’export sera transformée

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