Noix de kola au Sénégal : la filière oubliée de l’agriculture

Présente dans les mariages, les cérémonies de dot et les alliances familiales, la noix de cola joue un rôle central dans les traditions sénégalaises. Pourtant, derrière cette valeur culturelle incontestée, la filière reste peu structurée, loin des avancées observées dans d’autres productions agricoles comme la mangue ou l’anacarde.

Publié le 27 juin 2025  

Un produit agricole à forte dimension culturelle

« Avec tous les mariages qu’il y a au Sénégal, comment se fait-il que la noix de kola ne soit pas une filière prioritaire ? » Et pourtant, qui dit mariage dit forcément kola !

Au Sénégal, la noix de kola fait partie intégrante des pratiques sociales de nombreuses communautés au Sénégal. Elle occupe une place centrale dans les cérémonies de mariage, les rites de dot et d’alliance, où elle symbolise l’engagement et le respect mutuel. Chez les Diolas, les Mandingues, les Sérères et les Peuls, pour ne citer que cela, elle est présente dans les échanges qui scellent les unions entre familles.

« La kola est un symbole d’alliance et de respect. Aucun mariage traditionnel ne se déroule sans ce fruit », rappelle Mamadou Sagna, coordinateur technique au sein de la Fédération des producteurs de noix de kola de Casamance. Malgré l’importance culturelle et le volume des échanges liés aux cérémonies, la noix de cola reste un produit agricole peu valorisé sur le plan économique. Aucune politique publique majeure ne lui est dédiée et les acteurs de la filière évoluent sans appui structuré.

Les productions agricoles brutes

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Une production située dans le Sud

La production de noix de kola se concentre principalement en Casamance, dans les régions de Kolda, Sédhiou et Ziguinchor. Elle s’inscrit dans des systèmes agroforestiers traditionnels où le colatier côtoie d’autres espèces fruitières. Les plantations sont intégrées dans des exploitations familiales qui combinent diverses cultures.

« La culture se fait principalement en milieu paysan. Elle est souvent intégrée aux systèmes agroforestiers traditionnels, où les colatiers sont plantés aux côtés d’autres arbres fruitiers. Les périodes de récolte varient selon les zones, mais la haute saison se situe entre juin et octobre », explique M. Sagna. La production repose sur des pratiques traditionnelles, sans mécanisation ni intrants modernes. La récolte est manuelle et le conditionnement limité.

La Fédération des producteurs de noix de kola de Casamance

La Fédération des producteurs de noix de kola de Casamance regroupe aujourd’hui plusieurs coopératives rurales et groupements de producteurs. Ces coopératives opèrent dans les régions de Ziguinchor, Sédhiou et Kolda… Il s’agit de :

  • Coopérative Baluh-Na (Ziguinchor)
  • AJAC Lukal : Association des jeunes agriculteurs de cola (Kolda)
  • GIE Kola Diannah (Sédhiou)
  • CPA : Coopérative des producteurs de l’anacarde et kola (Coumbacara)
  • FAMVI : Fédération des agriculteurs de la moyenne vallée de l’intelligent

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Noix de kola prête pour la recolte

Une filière en retard sur les autres

La production de noix de kola présente un potentiel reconnu. Pourtant, la filière reste en retrait par rapport aux autres cultures agricoles du pays. Elle ne figure pas parmi les priorités des politiques publiques, ce qui freine son développement à grande échelle.

La quasi-totalité des noix récoltées est vendue fraîche ou séchée à l’air libre. Le tri s’effectue de manière artisanale, sans recours à des techniques professionnelles. Aucun conditionnement normé n’est appliqué avant la mise sur le marché. Les opérations de broyage, de séchage sous atmosphère contrôlée ou de mise en sachets sont inexistants.

Selon Mamadou Sagna cette situation freine toute possibilité de montée en qualité ou en valeur ajoutée.

« Contrairement à d’autres cultures (mangue, anacarde, sésame…), la filière kola ne bénéficie ni de subventions ciblées, ni de projets de valorisation structurés. Les producteurs n’ont souvent pas de garantie bancaire pour investir dans la modernisation de leur activité. », a-t-il condamné.

Champ de colatier en Casamance

Une transformation inexistante

La transformation de la noix de kola reste limitée à des pratiques artisanales. Les opérations se réduisent au séchage traditionnel, au tri manuel et au stockage rudimentaire. Les produits issus de ces activités sont majoritairement vendus à l’état brut, sur les marchés locaux ou dans la sous-région.

Ce modèle de transformation, selon Mamadou Sagna, freine toute montée en qualité et en valeur ajoutée. Encore plus regrettable, la filière ne dispose d’aucune infrastructure moderne de traitement ou de conditionnement. Aucun centre dédié n’a été mis en place pour accompagner les producteurs dans un processus de transformation plus abouti.

De plus, la filière se heurte également à des barrières pour atteindre les marchés internationaux. L’absence de normes qualité certifiées et de chaînes logistiques adaptées empêche la noix de Kola sénégalaise de se positionner sur des circuits formels et exigeants. Les exportations, lorsqu’elles existent, se font sans traçabilité ni label de qualité reconnu.

poudre noix de kola par ©camerdish

Où va la noix de kola sénégalais ?

Les exportations de noix de kola du Sénégal restent largement informelles. La majorité des flux est orientée vers les marchés frontaliers, notamment la Gambie, la Guinée-Bissau et le Mali. Ces échanges concernent essentiellement des noix vendues à l’état brut, sans traçabilité ni certification.

Une partie de la production parvient également aux diasporas africaines en Europe et aux États-Unis, où la demande demeure forte pour des usages liés aux pratiques culturelles, religieuses et médicinales. Là-bas, la kola transformée en poudre, extrait, infusion et utilisée dans les boissons énergisantes ou naturelles, les cosmétiques afro et aussi dans l’industrie pharmaceutique grâce à sa caféine naturelle.

Des pays comme la Côte d’Ivoire ou le Nigeria dominent le marché ouest-africain grâce à des filières mieux organisées et à des chaînes d’exportation structurées.

Mame G. Fall

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