Situé à une dizaine de kilomètres de l’aéroport Blaise Diagne, le fret est une zone tristounette de terre rouge et de cailloux. Un grand bâtiment abritant quelques compagnies de fret, les services phytosanitaire et la douane, un terminal export par lequel passe tous les colis avant leur départ. En face, un bâtiment à étage en finition qui abrite déjà quelques transitaires. Une source confie : « En réalité quand les autorités construisaient cet aéroport, il n’était pas prévu que les transitaires y soient installés. C’est pourquoi aujourd’hui il y a des manquements dans le travail, mais surtout des frustration par rapport au prix de la location ». Bolloré, DHL, Lufthansa sont déjà bien installés et roulent à plein régime, la société 2AS monopolise la manutention, et les transitaires font la loi. Le client lui, n’a pas son mot à dire et subit les nouvelles directives du fret.
Un matériel dérisoire pour le service
Lorsque vous devez faire scanner vos colis au niveau de l’AIBD, vous avez des sueurs froides juste en imaginant tout le travail qui vous attend. Une perte de temps et d’énergie pour une tâche qui pourtant aurait dû être simplifiée. C’est que le scanner utilisé dans ce nouvel aéroport est une antiquité. Un scanner single view qui ne permet pas de lire le colis en entier et laisse parfois passer des éléments qui peuvent porter préjudice au paquet à destination. Le scanner double view, qui est le plus adéquat, est encore installé à… l’aéroport Léopold Sédar Senghor, fermé depuis décembre 2017. Ce scanner flambant neuf avait été acheté quatre mois avant le déménagement vers Blaise Diagne, mais n’a pas fait partie des bagages.
L’autre casse-tête dans ses nouveaux locaux, c’est le manque d’entrepôts pour caser les colis pendant 24 h ou 48 h. Un agent du fret avoue : « Nous demandons aux gens d’apporter leurs colis quand un avion est programmé parce que n’avons pas d’espace pour entreposer pendant longtemps ces paquets ».
Du côté des produits périssables, ce n’est pas la joie. Deux chambres froides sur sept sont fonctionnelles, ne permettant pas de prendre en charge tous les colis périssables. Ce manque de frigo est un grand manque à gagner, car de nombreuses compagnies de fret aujourd’hui préfèrent s’abstenir pour ne pas risquer de se voir obliger de payer pour la dégradation d’un colis.
Tarifs de fret en hausse
Les craintes des compagnies et acteurs du fret s’étaient fait entendre aux premières heures du déménagement vers Blaise Diagne. Les transitaires et compagnies de fret se plaignaient déjà du prix élevé de la location. Chez Bolloré, on le déplore : « Dans les dispositions, je crois que nous n’avons pas été pris en compte. Les magasins alloués aux compagnies de fret sont vraiment petits. Nous nous retrouvons avec 220 m2 à AIBD, alors que nous disposions de 2 500 m2 à LSS. Ensuite il y a le prix de la location qui est multiplié par dix pour de petits espaces ».
Si les grosses compagnies ne se plaignent pas trop des prix exorbitants, ceux qui sont le plus touchés sont les transitaires et les petites structures. D’ailleurs certaines d’entre elles ont dû mettre la clé sous le paillasson, incapables de s’acquitter des frais exigés par les Turcs. Pour les autres, ces frais ont entraîné l’augmentation des prestations à l’export surtout. Même si l’on ne veut pas dire à haute voix combien ça coûte.
En attendant que la construction du village cargo soit terminée et que tout le matériel nécessaire soit installé, le fret à l’aéroport international Blaise Diagne sera toujours une machine grippée.