Le blé est la deuxième céréale la plus consommée après le riz, mais il est entièrement importé.
Les dépenses colossales du Sénégal
La dépendance du Sénégal vis-à-vis des importations de blé est l’un des paradoxes majeurs de son système alimentaire. En 2023, le pays a importé 838 000 tonnes de blé, pour un montant de plus de 150 milliards de francs CFA, selon les données de l’Agence nationale de la statistique et de la démographie (ANSD).
Cette facture pèse lourd. Elle reflète aussi une absence de production locale, due à la rareté du blé dans les zones tropicales où les conditions climatiques sont peu favorables à cette culture tempérée.
Or, le blé est un aliment de base pour les ménages sénégalais. Du pain consommé quotidiennement aux produits dérivés dans les boulangeries et industries alimentaires, cette céréale est omniprésente dans l’assiette... mais invisible dans les champs du pays.
Fanaye, laboratoire d’un blé sénégalais
C’est dans le département de Podor, plus précisément à Fanaye, que s’écrit une page de production inédite. Là, au cœur de la vallée du fleuve Sénégal, 20 hectares de terres ont été aménagés pour accueillir une culture autrefois jugée incompatible avec le climat sahélien.
Le site abrite une station expérimentale dirigée par l’Institut sénégalais de recherches agricoles (ISRA). Avec l’appui du Programme d’appui à la filière semencière (Pafisem), les chercheurs y testent des variétés adaptées aux conditions locales. L’objectif est de produire localement des semences de blé robustes, viables et reproductibles.
« La culture du blé s’adapte bien dans la vallée du fleuve Sénégal. Même si on sait qu’il s’agit d’une culture des zones tempérées, on essaie de l’adapter ici dans nos zones agro-climatiques », explique Cheikh Tidiane Sall, chargé de recherche et sélectionneur blé à l’ISRA.
Le développement du capital semencier
La réussite de ce projet repose d’abord sur la constitution d’un capital semencier local. Produire du blé au Sénégal ne pourra se faire à grande échelle que si le pays dispose de semences adaptées, disponibles et reproductibles localement.
Les 20 hectares de Fanaye sont ainsi consacrés à la production expérimentale de semences, qui feront l’objet d’évaluations avant d’être proposées aux agriculteurs pour des cultures à plus grande échelle.
« On cherche à développer des variétés dont les consommateurs ont besoin. », souligne toujours le chargé de recherche.
Ce travail de fond permettra non seulement de réduire la facture des importations, mais aussi de créer de nouveaux débouchés économiques pour les agriculteurs, notamment dans les zones sahéliennes irriguées.