La genèse de l’ASD ?
Née en 1982, d’une étude révélant les impacts négatifs de la révolution verte sur l’environnement et la santé des populations, Enda Pronat a développé une recherche-action avec des communautés paysannes au Sénégal pour promouvoir un modèle agricole alternatif, sain et durable. Le défi était de changer le système agricole appauvri par les engrais de synthèse et les pesticides via des méthodes naturelles de protection et de fertilisation dans les 5 zones les plus touchées par la révolution verte.
Ce concept large d’un développement durable et intégré des sociétés rurales a été baptisé en 1999, par les producteurs et productrices, Agriculture Saine et Durable (ASD).
La révolution verte et ses conséquences néfastes
De quel constat est née cette initiative ?
Parmi les nombreux maux dont souffrent nos communautés au sud, l’insécurité alimentaire et la pauvreté ont toujours été majeures. À ce titre, au début des années 1970, dans un Sahel marqué par la sécheresse, a été menée une politique d’intensification de la production agricole appelée révolution verte qui a eu pour conséquence une utilisation abusive d’intrants chimiques, de semences hybrides et la promotion de monocultures destinées à l’export. En effet, l’utilisation massive d’engrais chimiques, de pesticides et d’énergies fossiles, augmente la dépendance des populations à ces intrants et accélère le processus de dégradation des ressources naturelles.
L’initiative est née d’un besoin de mieux accompagner nos sociétés rurales, de mieux protéger notre environnement et de mieux développer nos économies essentiellement basées sur l’agriculture.
Souveraineté alimentaire en Afrique, Spoliation des terres et OGM
Au delà des impacts négatifs de la révolution verte, d’autres menaces de dimension internationale sont venues s’ajouter aux pressions qui pèsent sur l’agriculture familiale et sur la souveraineté alimentaire en Afrique.
Parmi elles figure le phénomène d’accaparement des terres. D’après une étude de la FAO, 50 à 80 millions d’hectares de terres agricoles dans les pays en développement ont fait l’objet de négociations, au cours de ces 5 dernières années, avec les investisseurs internationaux cherchant à acheter ou à louer ces terres. Les deux tiers de ces surfaces sont situés en Afrique sub-saharienne. Au Sénégal, en l’espace de 10 ans, 650 000 ha ont été octroyés à 17 privés nationaux et étrangers. Ce qui représente 16% des terres cultivables du pays.
Nous sommes également préoccupés par le rôle de plus en plus proéminent des entreprises et du secteur privé, y compris des sociétés transnationales, dans la définition des priorités, lois et politiques nationales, sous-régionales, régionales et internationales qui concernent l’alimentation, l’agriculture, le foncier, l’eau et les semences. Les pays africains sont encore objet d’intenses pressions au niveau international de la part des nations plus riches et de leurs institutions - G7/8, OCDE, entre autres - y compris de la part des institutions multilatérales : Banque mondiale, Fonds Monétaire International (FMI), Organisation Mondiale du Commerce (OMC), etc.
L’argument de l’accroissement de la production et de la productivité agricole pour sortir le continent de l’ornière de la faim est souvent mis en avant pour justifier et légitimer l’utilisation des OGM dans l’alimentation et l’agriculture. Cet argument, illusoire, ne peut plus prospérer car le cas de l’échec du coton Bt au Burkina Faso démontre à suffisance que la biotechnologie moderne est une science aléatoire et hasardeuse. En autorisant des OGM de cultures vivrières comme le sorgho ou le niébé, nous risquons de voir nos semences natives contaminées, alors que les risques sanitaires, environnementaux, économiques et sociaux ne sont pas évalués.
Anticiper les émeutes de la faim avec des initiatives ad hoc
Le programme PAFAO est né à la suite des émeutes de la faim dans les villes ouest africaines. Il soutient notre innovation sur les circuits courts de commercialisation (CCC)
Notre approche repose sur une production de qualité avec un engagement des producteurs, productrices qui sont rémunéré(e)s par la Coopérative avec un prix supérieur au prix du marché, une bonne connaissance de la filière d’approvisionnement, des lieux de vente abrités par des privés ou par les mairies des communes d’arrondissement de Dakar et surtout, une adhésion des consommateurs à cette approche commerciale innovante sur les productions maraîchères fraiches ou transformées. Cette activité de mise en marché des produits ASD est portée par la Coopérative Sell-Sellal à Dakar principalement et bientôt on l’espère, dans d’autres régions du Sénégal.
Qu’apporte-t-elle de nouveau ?
Un engagement à fournir aux « consom’acteurs » des produits sains issus des fédérations de producteurs engagées dans l’ASD et qui produisent localement, un prix juste aux producteurs/trices (prix de marché + la prime ASD), un service de qualité en terme de transports, de distribution et de communication (directes sur les points de vente, newsletters, réseaux sociaux, téléphones, flyers etc…).
Qui en sont les initiateurs ?
Depuis octobre 2013, 5 organisations paysannes (Woobin et FAPD dans les Niayes, Yakaar Niani Wulli à Koussanar, UCT à Diouroup et Ngatamaaré Tooro à Guédé) accompagnées par Enda Pronat participent à une expérimentation de coopérative agricole nommée Sell Sellal qui facilite la distribution des fruits et légumes sains sur Dakar. Ceux-ci sont écoulés dans des marchés de niche hebdomadaires développés et gérés par la coopérative avec l’appui de Enda Pronat. Au sein de la Coopérative, Ndéye Binta Dione, la responsable des marchés, est présentement invitée internationale de la Tournée du Festival Alimenterre édition 2017.
Alicaments à foison et prix abordables
Quels sont les bénéfices du manger sainement que vous préconisez ?
La nourriture est le premier médicament. Combien de Sénégalais sont confrontés à des maladies liées à leur mode d’alimentation (diabète, hypertension, …) et aux résidus de pesticides qui se trouvent sur les légumes issus de l’agriculture conventionnelle et qui sont à l’origine de nombreux cancers. Donc nous préconisons la consommation la plus régulière possible de produits sains aux Sénégalais. L’augmentation du nombre de consom’acteurs pourrait, par le phénomène de l’économie d’échelle, tirer les prix vers le bas.
Finalement, manger sainement ne revient-il pas tout de même cher ?
Non, parce que se soigner coûte plus cher et les coûts environnementaux pour les générations futures n’ont pas de prix. Et même à court terme, les prix de vente des productions ASD sont moins chers que le premier choix de Kermel par exemple, mais légèrement plus chers que ceux de Castor par exemple. Nous avons très souvent des prix inférieurs aux prix des vendeuses du plateau. Donc, nous ne sommes pas chers pour la qualité et le service qui sont proposés.
« Vivre dignement sa terre » : documentaire distingué en Italie et sélectionné au festival Alimenterre 2017
Enfin, pouvez-vous nous parler du film « Vivre dignement sa terre » dont vous êtes co réal avec Christophe Leroy et qui est sélectionné au festival Alimenterre 2017 ?
« Vivre dignement de sa terre » est un film-documentaire de 37 mn que nous avons réalisé sur l’activité des marchés de niche qui est la partie la plus visible de cette approche de circuit court de commercialisation. Nous avons passé énormément de temps avec toutes les familles et personnages de ce film documentaire qui ont accepté gentiment de mettre en scène leur quotidien. Nous profitons encore une fois de cette opportunité pour les en remercier. Il a été sélectionné au Festival Alimenterre de 2017 (France), après la première distinction au festival de Terra di Tutti à Bologne de 2016 (Italie) et nous allons aussi organiser des séances de projections dans les zones de productions pour continuer à mobiliser les énergies autour de l’ASD.
Sénégal et souveraineté alimentaire
Les projets de l’ASD ?
Le principal objectif que nous cherchons à atteindre sur le plan commercial est de mettre à l’échelle et de modéliser le circuit court de commercialisation pour permettre et faciliter sa démultiplication dans les autres villes africaines en vue d’aider les exploitations familiales à vivre mieux, pour ne pas dire dignement, de leur terre.
Mais de manière plus globale, Enda Pronat est fortement engagé dans le plaidoyer pour que l’ASD soit prise en compte et soutenue par les pouvoirs publics car la transition agro-écologique est devenue une nécessité pour répondre aux défis de la souveraineté alimentaire, de l’emploi des jeunes et des changements climatiques.
-# Tous les mardis au plateau Avenue Mouhamed 5 x Assane Ndoye : De 9H00 à 16H00- Les mercredis aux Almadies en face du Layu Café, : De 9H00 à 16H00
- Les vendredis au Clos Normand sur l’Avenue Cheikh Anta Diop en face du Siège d’Enda Tiers Monde, à Côté de Codesria : De 9H00 à 16H00
- Les dimanches matin à l’Epicerie au Plateau sur la rue Victor Hugo : 9H00 à 14H00
- Du mardi au dimanche au Parc de Hann (à la Boutique) : 9H00 à 18H30
Contact :
Enda Pronat : http://www.endapronat.org/index.php...,
Coopérative SellSellal : http://sell-sellal.afriseo.com/node/126,
Film-documentaire (Passe : enda) : https://vimeo.com/149126255